Une arrivée dans un flash.

En regagnant la stabilité je me laisse tomber au sol, plaquant ma main sur ma bouche pour m'empêcher de vomir. Quelle sensation horrible, cela n'avait rien à voir avec le voyage que j'avais fait pour rejoindre Luthania. Rien ne m'avais préparé à cette sensation que mon corps s'écrase, comme broyé par la course d'une légion de bête. Je me redresse avec humeur, ma nausée subitement envolée. Après tout, même une armée ne pourrait me vaincre tant que j'aurais des fragments de l'Orbe avec moi. Je serre dans ma main la relique qui m'avait permis de voyager, sa lumière avait disparue et elle affichait maintenant un ton terne et froid. Il me faudrait du temps pour me recharger avant d'avoir l'énergie de m'en servir à nouveau, mais en attendant je devais trouver un moyen de le cacher comme je l'avais fait pour mon fragment des vents. Je sentais que l'éclat que je venais d'utiliser n'avais aucun antagoniste, si je voulais le sceller en moi, il me faudrait donc lui trouver une position centrale. Cette information se nota en moi comme une évidence, comme un savoir enfoui depuis longtemps que je ne devais pas remettre en question. Pour pouvoir pratiquer l'opération, il me faudrait un endroit calme, à l'abri des regards de préférences. J'allais perdre beaucoup de sang et il me faudrait quelques heures pour me remettre. De plus, le voyage que je venais d'accomplir m'avais laissé chancelant et il était plus sage de retrouver tout d'abord suffisamment d'énergie pour pouvoir écarter d'un souffle les obstacles qui pourraient me barrer la route.

Pourtant, malgré mon état je me sentais étrangement euphorique. Plus mon pouvoir grandirait et plus je serais capable de tenir la distance, je le savais. Avec assurance, j'avançais dans la végétation qui m'entourait en m'éloignant des sons ténus que j'entendais au loin. Il devait y avoir une ville dans les environs, une ville bien animé et sans doute aussi pitoyable que les autres. Je me savais faible actuellement et cela me faisait grincer des dents. Comme je pouvais haïr cette sensation... Je continuais mon chemin pendant plusieurs minutes jusqu'à ce que les bruits de la ville disparaissent et je me mis au travail sans attendre. D'un geste, je me saisis du couteau de voyage qui traînait dans mon sac et sans hésiter, je me fit une profonde entaille au niveau du plexus. La douleur me fit serrer la mâchoire, mais peu m'importait les souffrances que j'allais endurer tant que je pouvais être sûr que ce fragment trouverait sa place. D'une main tremblante, j’enfonçais la pierre dans la blessure ouverte et resserrais comme je le pouvais les tissus autour d'elle. L'entaille ne s'arrêterait pas de saigner ainsi, je le savais, mais au moins la présence de la pierre bloquait en partie l'hémorragie. Mes gants taché de sang tâtonnèrent à la recherche de l'aiguille et du fil que j'avais omis de sortir de mon sac et j'aperçu à peine la coulée de sang qui tacha l'herbe au dessus de laquelle je me tenais. Ce n'étais pas la première fois que je pratiquait ce genre d'opération, j'avais déjà dû le faire pour ma main droite mais cela ne m'avais pas préparé à m'ouvrir de la sorte. Rapidement, je récupérais mes outils et entreprit de sceller le fragment. J'avais envie de hurler à chaque fois que la pointe de l'aiguille transperçait ma chair, mais je faisait de mon mieux pour étouffer les bruit, ne lâchant que quelques grognements rauques.

A la fin de l'opération, je me laissais tomber en arrière, conscient que j'avais fait mon maximum pour refermer la blessure. Maintenant, il faudrait donc attendre que ça cicatrise, ce qui ne devrait prendre que quelques jours. En moi, une petite voix m'affirma que j'allais sans doute mourir ici et je la repoussait de toutes mes forces. J'étais bien trop puissant pour finir ainsi j'en étais convaincu, alors d'où pouvais venir ce défaitisme ridicule ? La petite voix se manifesta encore, pleurnichant qu'elle ne voulait pas mourir ainsi.

"La ferme, je ne suis pas faible..."

Et avec un dernier soupir, écrasé par la douleur ce qui me restait de conscience disparut, telle une bougie que l'on souffle. J'eu à peine le temps de sentir une présence à mes cotés avant que tout devienne noir.

De nouveau je me retrouve dans ce rêve inconnu. Mon corps se déplace seul, sans que je puisse le sentir ou le mouvoir. Devant moi les long cheveux noirs dan sent, empêchant mon œil entrouvert de capter où je me trouve. Peu à peu, ma conscience s'éveille et enfin je remarque le pas précipité de la personne qui me porte. Doucement, je me laisse bercer par ce rythme léger qui m'entraîne vers une destination inconnue et avant que je m'en rende vraiment compte mon voyage s'arrête. Je ressens alors l'eau qu'on m'asperge au visage, sa fraîcheur me revigore quelque peu et j'arrive enfin à apercevoir le visage de mon sauveur. Ou plutôt, ma sauveuse.

~Selena~

Une petite voix dans ma tête se manifeste. Et l'identité de cette femme est pour moi claire comme de l'eau de roche, alors même que je sais ne jamais l'avoir vu auparavant. Toujours dans un état second, je sens que mon corps s'agite. Ma bouche tente d'articuler des mots qui ne veulent pas sortir, comme si le simple fait de parler risquait de briser ce corps fragile. J'ai à peine le temps de détailler les traits fins et les yeux bleus de l'inconnue avant de sombrer de nouveau dans l'inconscience.


Je me redresse en sursaut comme sortant d'un cauchemar épouvantable. Selena, ce nom palpite en moi au rythme de mon cœur meurtri, m'emplissant d'une souffrance que ne permet pas d'expliquer ma mutilation à la poitrine, qu'on m'avait recousu apparemment. Qui était-elle et pourquoi son seul souvenir m'emplissait de tant d'émotions inutiles ? Je frotte mes yeux endoloris et remarque une trace d'humidité sur ma main gantée. Des larmes ? Incrédule, je porte de nouveau ma main à mon visage et observe sans comprendre le cuir brillant. Que m'était-il arrivé, à quoi pouvais je bien penser ? Plus important, quel pouvait bien être le lien entre cette femme et mon ego pour que je réagisse de la sorte alors qu'il était mort depuis bien longtemps ? Pendant plusieurs minutes j'attendis patiemment que la douleur qui écrasait mon âme se dissipe. Je déteste quand mon ancien moi m'envoie des réminiscences de la sorte mais en même temps... Je ne peux m'empêcher d'essayer de retrouver ses souvenirs. Avec un soupir, je laisse ma main descendre jusqu'à ma poche d'où je sors un petit carnet, un journal où j'avais depuis longtemps prévu d'écrire qui il avait été. Pourquoi une telle décision ? Je n'en sais rien. Ce serait le journal d'un être faible, qui n'avait sans doute rien accompli de sa vie si ce n'était de m'avoir donné naissance, d'un être qui pourtant avait vécu beaucoup de choses, je le savais. Qui était-il donc ? Et pourquoi était-il toujours aussi présent en moi ?

Je laisse là mes interrogations pour détailler le lieu dans lequel je me trouve. Quelqu'un m'avait trouvé on dirait et à l'apparence de cette salle, il était clair que mon identité avait été découverte. Je souris, amusé par la situation dans laquelle je me trouvais. Ces gens croient-ils vraiment qu'une pièce dotée simplement de barreaux peux me retenir ? Je me prépare à libérer la puissance de mon fragment des tempêtes et commence à retirer mon gant avant de m'immobiliser. Quelque chose n'est pas normal ici. Je sens toujours l'énergie de mes fragments mais leur puissance me semble hors d'atteinte, comme s'ils avaient été scellés. Pourtant, le fait que je puisse communiquer avec eux m'indique que la protection n'est pas parfaite. Je peux sans doute la briser, mais cela me demanderais du temps, trop de temps. Avec rage je laisse retomber mes bras avant d'aviser une femme en dehors de ma cellule qui m'observe. Au loin, un groupe d'instruments primitifs sembla se mettre en branle et l'air s'emplit bientôt d'une mélodie tribale. Je m'approche des barreaux et frappe dessus du plat de la main, les faisant s'entrechoquer dans un bruit métallique. Maudite soit cette sorcière de lui avoir fait promettre de ne pas tuer si je pouvais l'éviter.

"Je vous remercie de m'avoir recousu, c'était bien aimable mais maintenant que je vais mieux, je ne vois pas l’intérêt d'abuser de votre hospitalité. Je n'avais pas prévu de m'occuper de la faible race que vous êtes, mais si vous ne me laissez pas sortir rapidement, je vous assure que je serais ravi de revenir sur ma décision."